Anaïs Quemener : « Si on s’écoute trop, parfois on a tendance à lever le pied »

Anaïs Quemener est athlète de haut niveau en course à pied. Elle a notamment été vice-championne de France 2018 des 100km, Championne de France de Marathon en 2016 et 3eme française du Marathon de Paris 2019.

Florian : Anaïs, si je te parle du mental, qu’est-ce que cela t’inspire ?

Anaïs Quemener : Le premier mot que j’associe au mental c’est la volonté. Tout commence par cela. Le mental, le corps… Si on a envie de quelque chose, personne ne peut le faire à notre place. Ça dépend de beaucoup de choses, mais si l’envie n’est pas là, il ne peut rien se passer. Quand on veut réaliser quelque chose, on peut, il suffit de s’en donner les moyens.

Au niveau de ton sport, y-a-t-il un moment où la gestion du mental prend une place encore plus importante pour toi ?

Anaïs Quemener : Souvent en course, en compétition, on se donne à 100% et c’est là que l’on prend conscience de l’importance du mental. Quand j’arrive en bout de course, je me dis parfois que c’est fatiguant, mais je me dis instantanément qu’il ne faut pas s’écouter parce que si on s’écoute trop on a tendance à lever le pied. Je me dis que si c’est dur pour moi à ce moment-là, ça l’est aussi pour les autres.

As-tu un souvenir d’un moment où la gestion de ton mental t’a posé un problème ?

Anaïs Quemener : Pas vraiment… J’avoue que de ce côté-là c’est quelque chose que je vais puiser en moi. Les fois où je ne pouvais pas faire plus, c’est que j’avais l’impression que mon corps ne pouvait pas donner plus, mais je n’avais pas la sensation que c’était le mental qui intervenait. À chaque fois que je rencontre une difficulté je me dis que si les autres peuvent y arriver, je peux y arriver aussi… En fonction du niveau bien sûr. Souvent je me rappelle que je suis aussi passée par des étapes difficiles, que j’ai vécu plus dur que cela, alors je peux y arriver. Avant je ne prenais pas forcément conscience de cette force. Dès que je m’aligne sur une course je veux me dépasser et donner le meilleur de moi-même. J’ai appris à travailler le mental avec le temps. En faisant du marathon, du 100km, j’ai appris à aller chercher mes limites et à repousser la douleur à chaque fois. Souvent en courant je me dis : « on coupe le cerveau et on y va. »

Est-ce qu’il y a un jour particulier où tu as eu le sentiment que ton mental t’a aidé à faire la différence ?

Anaïs Quemener : Je pense au Championnat de France de Marathon en 2016 à Tours. J’étais déjà guérie de mon cancer, je n’étais plus en traitement depuis 6 mois (ndlr : Anaïs dut faire face à un cancer du sein il y a quelques années). Du coup, je me suis alignée sur le Championnat de France, non pas pour faire une performance, mais pour battre mon propre record. C’était quelque chose de fort pour moi de revenir après la maladie. J’étais deuxième toute la course, et au 40eme kilomètre je vois la moto qui précède donc la première fille. À ce moment-là, j’ai posé mon cerveau après m’être dit : « Je vais tenter d’aller la chercher. Si ça ne fonctionne pas j’améliorerai mon chrono, et si ça fonctionne je serai Championne de France ! » Du coup j’ai lâché les chevaux, je suis passé à côté d’elle presque en sprint et je ne sais pas où je suis allée chercher ces forces. J’ai réussi à tenir, je n’ai rien lâché à la fin, et j’ai tout gagné : la course et mon record. J’étais très très heureuse à la fin.

Un grand merci à Anaïs Quemener pour son superbe témoignage.