Marie Oteiza : « Être capable de s’adapter et de sortir d’une situation difficile »

Marie Oteiza est spécialiste du pentathlon moderne. Elle participera aux Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Marie a notamment été classée 3eme aux Championnats du Monde 2018 et a remporté les Championnats d’Europe 2018.

Florian : Marie, si j’évoque le mental, que peux-tu me dire à ce sujet ?

Marie Oteiza : Pour moi, maîtriser son mental, c’est être capable de s’adapter à une situation, que l’on se sente prêt physiquement ou pas. Être aussi capable de sortir d’une situation difficile. À l’inverse, si la préparation mentale n’est pas très bonne, il est possible d’avoir des difficultés à se sortir d’une mauvaise passe et rentrer dans un cercle vicieux qui fait que tu passes complètement à côté d’une compétition, ou d’un geste.

Au niveau de ton sport, y-a-t-il un moment clef où le mental prend une place encore plus importante ?

Marie Oteiza : Oui, c’est le moment où la médaille va se jouer. Pour moi, ce sera surtout sur la dernière épreuve, donc sur le combiné qui se compose de la course et du tir. Par exemple, sur un dernier tir où on est à la bagarre pour un podium, c’est être capable de rester dans sa bulle, de garder sa concentration jusqu’au bout sans regarder les autres. Pour nous, c’est très facile de sortir de notre tir car on est vraiment les unes à côté des autres et on voit les lumières sur les cibles des concurrentes, donc c’est très simple de regarder ce que fait l’autre et de ne plus être sur son propre tir. C’est là où il faut être prête mentalement. Aussi, lors de gros évènements, il faut être sûre de ses points forts et se rassurer avec ça. Le plus dur c’est de répondre présente le jour J.

Est-ce que tu te souviens d’un moment où ton mental t’a joué des tours ?

Marie Oteiza : Il y en a pas mal. Comme dans toutes les carrières, il y a des moments où tu n’es pas là et où ce n’est pas le physique mais c’est la tête qui lâche. Pour ma part j’ai eu de gros problèmes d’ordre privé quand j’étais jeune, et ça m’a un peu porté préjudice sur pas mal de compétitions. Du coup cela a pu engendrer un manque de confiance et j’ai pu douter de moi lors de certaines compétitions, sortir du moment et perdre une médaille parce que cela me revenait. Maintenant ça va mieux car j’ai pas mal travaillé là-dessus. Mais sur les derniers Championnats du Monde en août, physiquement j’étais prête, je me sentais bien, je sentais que j’avais fait une bonne prépa, que j’étais affûtée, mais la tête n’y était plus car je me sentais fatiguée, j’avais l’impression que ma saison était trop longue, et du coup je me demandais même ce que je faisais là pendant la compétition. Je n’avais pas envie d’être là. Ce sont des moments assez durs. On sait qu’on a travaillé comme une folle, qu’on s’est arrachée à l’entraînement, qu’on a tout fait, mais la tête n’a pas envie. Et c’est compliqué à gérer.

À l’inverse, peux-tu décrire un moment où tu as performé grâce à ton mental ?

Marie Oteiza : Lors de mes Championnats d’Europe et Championnats du Monde en 2018. J’ai aussi gagné une Coupe du Monde cette année. Et ce sont des journées où tout est aligné. Physiquement tu es prête, ou pas d’ailleurs… Car sur les Championnats du Monde 2018, deux semaines avant la compétition je suis tombée de cheval et j’ai fait une rupture partielle du ligament croisé. Pendant une semaine j’arrivais à peine à marcher, c’était très compliqué. Trois jours avant la compétition, on ne savait toujours pas si j’y allais ou pas. Les médecins ne voyaient pas de contre-indication parce que je ne pouvais pas aggraver la blessure, mais j’allais forcément avoir mal et connaître la difficulté. Au début je ne voulais pas y aller. Je venais de décrocher mon titre de Championne d’Europe, donc je ne voulais pas aller sur les Championnats du Monde et être ridicule. Et au dernier moment j’ai décidé d’y aller quand même, pleinement consciente que je ne serais pas au meilleur de ma forme, mais avec la volonté de faire avec ça. J’ai vu cette opportunité comme une expérience en plus de prise. Au final j’ai fait une super compétition, même s’il m’a manqué de l’entraînement sur la course pour faire mieux que 3eme. Mais je pars première avant la course, avec une grosse douleur au genou, et je fais le podium. Ce fut un gros challenge avec moi-même que j’ai remporté.

Un grand merci à Marie Oteiza pour cette rencontre très enrichissante.