Paul Lasne (L1 – Stade Brestois – Football)

Pendant deux saison (2019-2020 et 2020-2021), j’ai travaillé avec Paul sur la partie mentale de son métier (lors de ses deux dernières saisons avec Brest en L1 ; Paul étant actuellement au Paris FC en L2). Une collaboration magnifique avec un homme travailleur, humain et extrêmement intelligent. Pendant le premier confinement, épisode totalement déroutant qui est apparu dans nos existences, Paul a souhaité écrire sur ses propres moments de vie alors que la saison de football était elle aussi stoppée nette. Un livre nommé MurMures est alors né, composé de chroniques, et publié début 2021. De superbes textes issus d’une plume poétique et talentueuse, dont l’un, Mental, décrit l’expérience vécue par Paul à mes côtés.

Aussi, Paul intervenait chaque dimanche soir dans l’émission Inside L1 sur RTL. Une émission destinée à faire vivre de l’intérieur, avec Paul, le quotidien sportif d’un joueur professionnel de L1. Début mars 2020, Paul consacrait l’une de ses chroniques à notre travail. Le podcast est à retrouver en bas de page, sous l’extrait de Mental.

Mental

«C’est un dialogue du jeudi. Une interface digitale le long de la côte atlantique, de Brest à Bordeaux, dans laquelle je rejoins Florian. Ancien journaliste, la trentaine engagée, une barbe noire affirmée, une casquette à l’envers vissée sur la tête. Mon coach mental a l’allure du coach sportif, mais ici ce sont les muscles de l’esprit dont il est question.

Le football professionnel est comme un atome. Des entraîneurs neutrons, des joueurs protons. Des kinésithérapeutes, préparateurs physiques, analystes vidéos, intendants, tourbillonnent en électrons autour de ce noyau à la passion populaire semée dans le monde entier. Mais dans ce microcosme très médiatisé manque une énergie sous-estimée. Le mental. C’est paradoxal car il est omniprésent. Chaque conférence de presse, à l’ambiance cérémonieuse et aux bouquets micros, chaque causerie de vestiaire parfumée de camphre et de terre humide, chaque interview d’après-match, greffe cette notion aussi puissante que floue. Nous avons tous déjà entendu un joueur rougi d’effort exprimer cette idée dans l’intervalle d’un souffle saccadé : « C’est le mental qui a fait la différence. » Le mental. Ce mot résonne dans le creux de l’oreille, ces six lettres conquérantes étendent leur force abstraite dans les pensées des sportifs. Il serait la solution quand le talent et les facultés athlétiques ne suffisent plus à remporter la bataille. Une clé secrète dénichée au fond du cortex dans le dernier quart d’heure d’un match, qui déverrouille la serrure du succès espéré.

Pourtant, dans ces équipes aux atomes soudés, aux écussons divergents et aux tactiques en miroir, peu de place pour cette particule innovante, celle de préparateur mental. Chaque joueur affronte ses échecs et ses réussites, dans l’intimité sombre de son esprit et à la lumière des projecteurs des stades et des caméras de télévision. Comme si cette capacité à gérer ses émotions était innée, chacun s’adaptant à une génétique plus ou moins heureuse. Je n’y crois pas. Comme tous les autres aspects qui composent une panoplie de sportif accompli, le mental se travaille, se fouille. Une quête de progrès qui peut laisser entrevoir des pépites d’or pour qui s’obstine à devenir meilleur. J’étais curieux de creuser, de flairer ce métal précieux et de le collecter. J’ai rencontré Florian. Les dialogues du jeudi ont commencé.

Des échanges de mots en passes courtes, des pensées négatives taclées les deux pieds décollés, des idées fortes en tirs au but libérateurs. Parfois un coup de pioche bute sur un rocher robuste, un doute rocailleux enfoui dans les méandres de la mémoire et des expériences passées. C’est un orpaillage en binôme. Le tamis de l’esprit évacue les poussières néfastes et garde en surprises de petites victoires scintillantes. Le psychisme plongé dans ces rivières aurifères, les pépites s’accumulent. Une richesse mentale qu’il faut défendre. Chaque exploration est une occasion de consolider ce trésor. Une pierre après l’autre, nous bâtissons un mur protecteur dans l’intérieur de ma tête en chantier. Les mauvaises ondes ricocheront hors de mes pensées.

Cette fortune cérébrale me donne une assurance nouvelle dans ma carrière de joueur. Celle de m’épargner, quand les objectifs personnels semblent reculer. Celle de recouvrir d’or mes aspirations.

Un dialogue d’orpailleurs, le jeudi. À la conquête de l’eldorado spirituel. »

Paul LasneMental MurMures

MurMures est notamment à retrouver ICI

Inside L1 sur RTL avec Paul Lasne – Émission du 8 mars 2020